Patrick CourilleauVous êtes chargé de mission handicap à l’université, mais aussi président de l’association APACHES. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je suis, à la base, maître de conférences en mathématiques. Parallèlement, j’exerce depuis 2011 la fonction de chargé de mission handicap à l’université de Cergy-Pontoise (CY Cergy Paris Université à compter du 1er janvier 2020). Depuis deux ans, je suis également président de l’association APACHES dont j’ai contribué à la création en 2013. 

APACHES est une association de personnes à laquelle peuvent participer les personnes dédiées à l’accompagnement des étudiants handicapés ou les chargés de mission handicap des établissements public de l’enseignement supérieur. Nous y menons une réflexion sur nos métiers et travaillons sur comment améliorer l’accompagnement des étudiants.

Les jeunes en situation de handicap demeurent peu nombreux dans l’enseignement supérieur. Quels freins rencontrent-ils ?

Il n’y a pas de vrai frein au niveau du lycée. Les bacheliers handicapés ont le même taux de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur que les autres élèves.

En revanche, il y a beaucoup plus de freins entre le collège et le lycée. Il y a alors une sur-orientation vers les formations courtes, comme le CAP. Cela s’explique par une minimisation des compétences de ces jeunes. D’un point de vue institutionnel il n’est aussi pas toujours facile d’adapter les cursus du secondaire, notamment en lycée général.

Si j’ai un handicap, dois-je le signaler lors de la saisie de mes vœux sur Parcoursup ?

Sur Parcoursup, il est possible de remplir une fiche individuelle où l’on pourra signaler sa situation. Une nouvelle version simplifiée de cette fiche va être proposée en 2020. Il ne faut pas craindre de la remplir. La fiche n’est pas transmise aux commissions d’examen des vœux. Seule la commission d’accès aux études supérieures (CAES) en prend connaissance, ce qui lui permet de réfléchir en amont à des solutions lorsqu’il y a un risque de ne pas obtenir de proposition d’admission.

Pour les jeunes qui ont eu un parcours chaotique au lycée pour raisons de santé, nous conseillons par ailleurs à l’association APACHES de contacter directement le service handicap de l’établissement où l’on postule. En effet, on peut préciser sa situation dans son dossier (dans sa lettre de motivation, ou via les avis des enseignants) mais elle ne pourra pas toujours être examinée comme il le faudrait dans les filières avec beaucoup de candidatures. Le service handicap pourra alerter la commission d’examen des vœux pour être sûr que le dossier soit lu en profondeur.

Quelles sont les démarches à faire lorsque l’on est ensuite accepté dans une formation du supérieur ?

Lorsqu’ils sont acceptés dans une formation, les élèves sont invités à remplir une fiche un peu plus complète qui sera transmise à l’établissement. Elle permet d’anticiper les aménagements nécessaires. Leur mise en place peut prendre du temps : mieux vaut ne pas attendre la rentrée pour se signaler.

Quels sont les aménagements qui pourront être proposés ?

C’est vraiment du cas par cas. Tout étudiant a droit à une procédure d’évaluation de ses besoins. A l’université, à la différence avec le secondaire, tout se passe en interne : il n’y a pas de dossier à transmettre à la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Seuls les médecins universitaires sont à même de décider des aménagements. Les éléments pris en compte sont la situation de santé de l’étudiant, les compétences qu’il doit valider et la situation de handicap.

Quelles solutions pourront être mises en place ?

Le panel des aménagements possibles est très large. Il peut s’agir d’aménagements du cursus : un allongement de sa durée, le remplacement de l’oral par de l’écrit (ou le contraire), du temps majoré pour les examens… A chaque fois on étudiera si l’aménagement est justifié, en tenant compte des compétences à valider pour le diplôme et en gardant à l’esprit l’insertion professionnelle après son obtention.

Des aménagements pour l’accès aux savoirs peuvent également être mis en place. Par exemple, des preneurs de notes, des interprètes en langue des signes, des tuteurs méthodologiques pour les jeunes présentant des troubles du spectre autistique, ou du tutorat disciplinaire pour les jeunes avec des soins lourds (en cas de cancer par exemple).

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes avec un handicap qui envisagent des études dans le supérieur ?

Il faut se focaliser sur les appétences et les compétences que l’on a, et pas sur les contraintes imposées par le handicap. En réalité, c’est un conseil que l’on pourrait donner à tous les étudiants. Il faut bien sûr être pragmatique, mais ne pas se dire qu’avec le handicap on ne va pas pouvoir faire d’études supérieures. 
 

 

Propos recueillis par Raphaëlle Pienne (décembre 2019).