France Stratégie a publié le rapport "L'enseignement supérieur français par-delà les frontières : l'urgence d'une stratégie". Cette réflexion a été conduite par le professeur Bernard Ramanantsoa, directeur général honoraire d’HEC Paris, et par Quentin Delpech, chef de projet au département Travail-Emploi, France Stratégie, avec la collaboration de Marième Diagne, chargée d’études à France Stratégie.

Quelle place pour la France dans l'internationalisation des formations ?

cours en amphithéâtre

Ce rapport montre que, grâce aux multiples initiatives engagées ces dernières années, la France occupe un rang honorable dans l’enseignement supérieur au-delà des frontières. Mais en évoquant « l’urgence d’une stratégie », il invite à prendre la mesure des défis qui l’attendent pour tenir sa place dans l’internationalisation de l’enseignement supérieur.

Avec plus de 600 programmes à l’étranger, l’enseignement supérieur français s’exporte bien mais reste loin derrière les pionniers anglo-saxons. Un retard concurrentiel qui traduit l’absence de stratégie affirmée des établissements.

Programmes délocalisés, MOOCs, campus internationaux… le développement de nouvelles formes de mobilité dans l’enseignement supérieur ouvre un marché potentiel de 400 millions d’étudiants à l’horizon 2030. Aux enjeux de captation de la demande internationale s’ajoutent ceux de la diplomatie d’influence, du sourcing des hauts potentiels dans un contexte de « guerre des talents », de l’accompagnement des entreprises à l’international.

La France s'exporte... sur des niches

Avec plus de 600 programmes à l’étranger – franchises, campus satellites, établissements associés – dont 330 diplômes délocalisés et 138 programmes de formation à distance, la "higher school" à la française touche près de 37 000 étudiants à travers le monde. Caractérisée par une offre de niche sur des formations d’excellence au niveau du second cycle, l’exportation française est d’abord le fait des écoles d’ingénieurs et de commerce, devant les universités qui ne forment qu’un tiers des étudiants à l’étranger alors qu’elles universitéaccueillent 3/4 des étudiants étrangers en France. Une (dis)proportion qui explique sans doute que les disciplines droit/économie/gestion forment le gros du bataillon exporté (40 %).

Les établissements français comptent ainsi 140 implantations physiques à l’étranger, qu’il s’agisse de franchises (62), de campus satellites (40) ou d’établissements associés (38). En plus de ces implantations, les établissements français délocalisent près de 330 diplômes de leur offre de formation auprès de partenaires étrangers et proposent au moins 138 programmes de formation à distance avec une audience à l’étranger.

Les pays dans lesquels l’offre est la plus déployée sont les suivants : le Maroc, le Vietnam, la Chine, le Liban et la Tunisie ; on retrouve ainsi trois pays du top 5 des pays d’origine des étudiants étrangers en France (Chine, Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal). Ces programmes accueillent près de 37 000 étudiants à travers le monde. Quatre étudiants sur cinq inscrits dans les programmes français à l’étranger sont en Asie (38,3 %), en Afrique (27,9 %) et au Proche et Moyen-Orient (18,4 %).

Bon à savoir : globalement, 69 % des programmes délocalisés par des établissements français mobilisent la langue française dans le cadre des enseignements. Malgré ses atouts, la France accuse un retard certain sur ses concurrents, en termes de programmes comme d’effectifs. Sur un marché dominé par les universités américaines, le Royaume-Uni compte typiquement trois fois plus d’étudiants que la France dans ses programmes à l’étranger. 

Si les opportunités sont là, la France manque de ressources, d’expertise et parfois même d’intérêts stratégiques pour les saisir pleinement. C’est en résumé le diagnostic qui ressort de l’enquête menée, auprès des établissements et des postes diplomatiques, par les auteurs du rapport, les établissements semblant souvent enfermés dans des contraintes « franco-françaises ». Avec pour conséquence des décisions de déploiement qui sont davantage le résultat d’initiatives en ordre dispersé que d’une stratégie articulée.

Quelles formes pour l'internationalisation ?

étudiants à l'étranger

On compte aujourd’hui près de 200 millions d’étudiants dans le monde, un doublement des effectifs en un peu plus de dix ans. D’ici 2030, les effectifs globaux d’étudiants devraient encore doubler.

Ce processus de massification, irrigué par le développement des classes moyennes et par la pression démographique dans les pays émergents et en développement, entraîne une mutation profonde des sociétés. Ce contexte favorise l’apparition de nouvelles formes de mobilité internationale.

L'internationalisation ne passe en effet plus seulement par des flux physiques de personnes (étudiants, enseignants, chercheurs, cadres), mais on assiste désormais aussi à des installations de locaux (campus à l’étranger) et à des flux de programmes (en particulier des franchises, des collaborations de recherche, des doubles diplômes, des systèmes de validation, des programmes délocalisés, des recherches menées en collaboration internationale, des enseignements à distance et des MOOCs – cours en ligne ouverts et massifs).

Comment booster les établissements français à l'étranger ?

Au niveau de l’État d’abord, il faudrait renforcer à tous les niveaux le pilotage des stratégies internationales et assurer la qualité et la diversification des moyens de financement de l’offre à l’étranger. Au niveau des établissements ensuite, quatre stratégies sont possibles. Deux d’entre elles formalisent et amplifient la stratégie de niche actuelle : la stratégie du « déploiement par et pour la recherche » et celle du « rayonnement » qui s’inscrit dans la diplomatie scientifique et universitaire.

Les deux autres sont davantage en rupture. L’une vise le développement quantitatif de l’offre dans une logique de captation des marchés, via un recentrage sur le premier cycle et une diversification des modalités d’implantation. L’autre vise l’avenir avec un investissement massif dans le numérique et les dispositifs mixtes alliant enseignement dématérialisé et présentiel.

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Sandrine Damie

 

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