Vous êtes libraire depuis douze années. Quel a été votre parcours de formation ?


Mélanie Delaporte, libraireAprès un bac Littéraire, j’ai intégré l’INFL (Institut National de Formation de la Librairie) pour y passer le Brevet Professionnel de Libraire, diplôme qui s’obtient après deux années en apprentissage.

Comment avez-vous décroché votre premier emploi en tant que libraire ?

Je devais trouver une librairie acceptant de m’employer sous contrat d’apprentissage (trois semaines en librairie, une semaine en cours) pour être prise à l’INFL, et je passais donc beaucoup de temps à repérer les nombreuses librairies franciliennes sur le site des Pages Jaunes, puis j’appelais et j’expliquais mon projet dans l’espoir d’obtenir un entretien. J’ignore combien j’en ai contactées, mais le troisième entretien a été le bon.

Et votre poste actuel ?

J’ai commencé mes recherches après l’obtention de mon diplôme en utilisant deux outils : le site de Pôle Emploi et, encore une fois, les Pages Jaunes pour des candidatures spontanées. Lorsque la librairie que je visais avait un site internet, je le parcourais pour personnaliser au mieux ma lettre de motivation. C’est grâce à une annonce sur Pôle Emploi que j’ai finalement décroché un CDD à mi-temps à la librairie Les Vraies Richesses de Juvisy-sur-Orge, qui venait d’ouvrir, et ce CDD s’est petit à petit transformé en CDI à temps plein.  

Comment avez-vous vu évoluer le métier depuis votre premier poste ?

Le métier en lui-même n’a pas beaucoup changé mais la librairie indépendante française a appris à s’unir pour se faire entendre. Un peu partout en France, des associations ou groupements de libraires se sont montés pour mutualiser leur expérience ou encore organiser des animations communes. Et, tous les deux ans depuis 2011, une rencontre nationale est organisée par le SLF, pour réfléchir et débattre autour du métier et de ses difficultés.

Quelles sont vos missions principales /secondaires aujourd’hui ?

Je suis principalement chargée des rayons jeunesse, mais dans une petite librairie comme la nôtre, il faut être polyvalent. Je réceptionne des livres et j’encaisse des clients quotidiennement, et je peux également conseiller sur d’autres rayons que les miens si besoin.

 Pouvez-vous nous décrire une journée type ? 

En ouvrant le matin, nous lançons les logiciels de caisse et de base de données pour être prêts à accueillir les clients. C’est souvent le moment de répondre aux quelques mails arrivés pendant nos heures de fermeture.

Assez régulièrement, un rendez-vous représentant vient se glisser dans notre emploi du temps du matin : le travail du représentant est de nous informer des livres à paraître chez les éditeurs qu’il représente, et nous devons choisir, en général deux à trois mois avant la sortie des livres en question, lesquels nous voulons recevoir.

En fin de matinée, les commandes arrivent. Il faut réceptionner le contenu de chaque colis, ce qui peut prendre une petite heure ou bien le reste de la journée, selon l’afflux de nos achats. Les livres réceptionnés sont triés selon qu’ils sont des commandes pour nos clients (auquel cas ils sont stockés près de la caisse) ou bien à ranger en magasin.

Parfois, les rayons trop remplis nous obligent à laisser des livres en réserve, en attendant de trouver un moment pour procéder à des retours, c’est-à-dire sélectionner les livres que nous ne voulons plus garder et les renvoyer aux distributeurs.

Ces tâches sont souvent interrompues lorsqu’un client a besoin de conseils ou souhaite faire un achat, car ils sont bien sûr prioritaires sur nos autres activités.

En fin de journée, nous vérifions sur notre logiciel quels livres ont été vendus et décidons si nous voulons les commander à nouveau ou non, puis nous lançons les commandes.

Les jours qui précèdent Noël sont assez différents : nous recevons moins de colis car il n’y a pas de nouveautés qui paraissent en décembre, et cela nous laisse plus de temps pour nous occuper des clients, qui sont beaucoup plus nombreux. Il devient parfois difficile de prendre le temps de les conseiller, et les deux derniers jours avant Noël se résument souvent en deux tâches : encaisser et faire des paquets cadeaux.

Qu’appréciez-vous dans votre quotidien ?

J’ai toujours aimé le partage que permet ce métier. Prendre le temps d’expliquer à quelqu’un pourquoi ce livre mérite d’être lu, voir un client heureux de notre dernier conseil et échanger nos points de vue, sont des moments de satisfaction qui valent bien la fatigue des périodes les plus chargées.

Mélanie Delaporte, libraire

Combien de livres lisez-vous par an ? Comment faites-vous le choix de vos lectures ?

Je lis entre vingt et trente livres par an, sans compter les albums pour les plus jeunes, que j’ai tendance à parcourir lorsque je les range. C’est souvent le sujet abordé qui va me donner envie de choisir un roman ou une BD en particulier, mais parfois je me fie simplement au nom de l’auteur, si j’ai lu et aimé ses livres précédents.

Comment accompagnez-vous vos clients dans les choix des livres au vu de l’offre immense ?

Chaque librairie indépendante a déjà fait un choix sur ses achats en amont, ce qui réduit déjà un peu l’offre ! Pour les clients, je tente de cerner leurs goûts, leurs envies et leur niveau de lecture pour leur proposer les titres les plus à même de leur plaire. Le plus difficile est toujours de conseiller une personne qui souhaite faire un cadeau à quelqu’un dont il ne connaît pas les goûts…

Quels conseils pourriez-vous donner à des jeunes souhaitant se lancer en tant que libraire ?

Ne vous attendez pas à passer vos journées à lire, vous aurez bien trop à faire pour cela ! C’est un travail qui demande un peu d’endurance, puisqu’il faut pouvoir porter des cartons assez lourds, et surtout c’est un travail de passion : les salaires sont globalement assez peu élevés et le travail ne s’arrête pas une fois sorti de la librairie, puisqu’il faut encore trouver du temps pour lire afin de conseiller. En attendant de se lancer, voilà bien le mot-clé : lire !

Propos recueillis par Sandrine Damie (janvier 2020).
Crédit Photos :  © Mélanie Delaporte.